Interview :
Marie-Jo Parisot, habitante
de Fontaine Village

L'actualité de cette fin d'automne à Quetigny a été marquée par les épreuves qu'ont subies les résidents des logements sociaux de Fontaine village : ces derniers, mal isolés, mal chauffés, sont devenus invivables lors d'une vague de froid précoce qui ne laisse pas d'inquiéter pour les mois à venir. Nous avons rencontré Marie, une locataire qui n'a pas ménagé son énergie pour défendre et organiser ses voisins...

Quelles relations avez-vous avec vos voisins ?

Pas de problème, à part que je ne les vois pas beaucoup. Comme je travaille, je pars tôt le matin, je reviens tard le soir. Mais dans l’ensemble, j’ai un bon contact avec les gens du quartier. C’est convivial, on s’entraide. Il y a beaucoup de nouveaux.

Ce qui nous amène aujourd’hui, c’est la question de la température… Quand s’est-elle posée pour la première fois ?

À partir de février 2021, il y a vraiment eu de gros problèmes. Depuis 38 ans que j’habite ici, je n’avais jamais eu besoin d’allumer mes convecteurs. Maintenant, on nous demande de le faire, je dis non. On est en logement social, je ne vois pas pourquoi on nous rajouterait une somme sur notre facture d’électricité !

Quelle est l’origine de ces problèmes ?

Des chaudières qui ne sont pas entretenues… J’habite au-dessus de la chaudière ; d’habitude, elle fait du bruit quand elle se remet en chauffe… et je ne l’entends plus du tout ! Il y a bien une chaudière de secours, mais ce qu’on constate, c’est que ça ne chauffe pas assez. Récemment, les gens d’Engie, de Cofely sont venus ; je suis allée voir ; les deux chaudières sont côte à côte et aucune des deux ne fonctionnait, alors qu’on était dans cette vague de froid de novembre… Il y en avait une à l’arrêt, qu’ils vont remplacer, et une autre qu’ils essayaient de redémarrer.

Avez-vous, chez vos voisins, des exemples de situations invivables ? Essayez-vous de les aider ?

Bien sûr ! Un Monsieur a un enfant handicapé, assis toute la journée, qui ne peut pas bouger ! Un autre petit garçon a dû être hospitalisé pour bronchiolite. Je vais voir régulièrement ma voisine ; on s’appelle, on échange beaucoup.

Avez-vous essayé de mener une action afin de rassembler les gens de ce groupe d’immeubles pour obtenir des travaux rapidement ? Si oui, avec quels résultats ?


Oui, j’ai lancé une pétition. J’ai été très bien accueillie. J’ai d’ailleurs fait connaissance de certains voisins que je ne connaissais pas encore. Je pense que ces relations vont être durables. Je suis quelqu’un qui aime parler, j’ai un relationnel avec les gens qui "passe bien".

Pourquoi avez-vous entrepris cette démarche de sensibilisation ?

Eh ben, parce que j’en avais ras le bol ! Et qu’il fallait taper du poing sur la table ! Si on ne bouge pas… c’est pas d’appeler CDC habitat qui fait avancer les choses ; d’abord, parce qu’ils ne nous répondent pas : ils nous renvoient à leur site web, on ne peut pas les appeler (sauf le soir, car c’est un numéro d’urgence). Une société qu’on ne peut pas joindre, je trouve ça inadmissible.

Et vous avez essayé de les appeler le soir ?

Oui, et ils me disaient : « Votre appel est pris en compte » ; alors, je prévenais ma voisine pour lui dire d’appeler le soir : il fallait qu’on s’épaule, comme ça.

Mais vous pouviez contacter l’agence de Quetigny...

Ils ne répondent pas, vous pouvez essayer ! C’est un répondeur, qui répète toujours la même chose : « inscrivez-vous sur le site www. etc. ». Vous pouvez laisser votre téléphone les appeler pendant une heure, il n’y aura pas de réponse.

Et si vous vous déplaciez ? Cette agence est bien place centrale !

Oui, place centrale. Mais ça ne marche pas ! j’y suis allée, pour leur présenter ma facture de pétrole ; j’ai sonné, ils m’ont fait signe : Non, non ! Boîte aux lettres ! ». Je leur ai répondu sur le même ton : « OK ! Boîte aux lettres ! » en me moquant un petit peu d’eux…

Il y a pourtant des horaires de permanence indiqués à l’entrée (le matin, je crois)…

Mais ils ne veulent pas ouvrir ; je connais plusieurs personnes qui y sont allés à différentes heures, sans qu’ils leur ouvrent.

Vous ne les avez jamais vus, eux ou une entreprise mandatée par eux, dans ces immeubles où nous sommes, pour faire des travaux ?

Non. Quand on a un problème, il faut qu’on arrive à voir une dame, qui s’occupe de l’ensemble des bâtiments, pour le lui expliquer. Par exemple, ma barrière en bois s’était détachée, par grand vent, et risquait de tomber sur des enfants. Elle m’a dit : « Je vous envoie quelqu’un » ; et le menuisier est venu tout de suite.

Et pour la chaudière, c’est Cofely qui s’en occupe ? Ils se sont manifestés, récemment ?

Oui, avant c’était Dalkia. C’est la loi du marché ! ça doit faire 4-5 ans que ce sont eux, et avant, on n’avait jamais eu de problème. Cofely a fini par venir, après plusieurs appels, le soir… après la pétition, qui les a fait bouger ! Et puis, j’ai appelé plusieurs fois le Maire. Il n’habite pas loin. Il nous avait dit : « Ne vous inquiétez pas, je m’occupe de vous ». Il m’avait donné son portable, et je l’ai joint il y a 3 semaines - 1 mois, pour lui dire : « ça recommence ! ». Mais il a mis du temps ; c’est vraiment la pétition qui les a tous fait bouger.

Et si on se souvient bien, vous avez aussi envoyé un courriel au Maire ?

Oui, avec Lucia [Sacilotti, conseillère municipale de Réinventons Quetigny, NDLR].

Et y a-t-il d’autres problèmes, incidents ou accidents dont vous avez été informée dans ces immeubles ?

Déjà, le système d’isolation des fenêtres ! je pense qu’ils ont choisi un bas de gamme, et on sent l’air extérieur qui rentre… Ça aggrave les problèmes de chauffage. Chez plusieurs voisins, il y a beaucoup d’humidité ; moi, j’essaie de faire très attention à ça, et je mets toujours la VMC. Quand je ne l’entends plus tourner, je la fais réparer. Car à la longue, ça pose un problème de salubrité.

Avez-vous été étonnée que la presse locale s’intéresse à vos problèmes ?

Ah non, pas étonnée ! j’étais contente, bien sûr ! C’est parce que beaucoup de gens, tout autour, ont bougé… Des élus de l’opposition, par exemple. Et ça, c’est une très bonne chose ! Si ces personnes n’avaient pas été là pour nous aider, on n’en serait pas là.

Quelle est votre principale revendication ?

Il faut absolument un chauffage à 19°, c’est évident !

Vous parlez de 19°… Pourtant, lors de la dernière réunion à Mendès France, certaines personnes ont évoqué un seuil à 17, voire 16 degrés ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

On a deux chauffages, l’un par le sol, l’autre par convecteurs. Récemment, ils ont baissé le chauffage au sol (pour des raisons d’économie, je pense) en nous disant qu’il fallait compléter par les convecteurs. Et on ne peut pas demeurer dans une pièce à vivre à 16 ou 17 ° !

Mais c’est illégal !

Oui, mais on m’a rabâché : « on vous doit 16° au sol ». C’était du bourrage de crâne !

Et il y a bien eu une affichette dans le couloir à ce sujet ?

Oui, signée par CDC Habitat ! Et j’ai vérifié sur Internet : le minimum, dans un logement, c’est 19° au centre de chaque pièce. Donc, seule solution pour atteindre 19° : le "grille-pain" [le convecteur, NDLR]. Tout le monde sait que l’électricité coûte de plus en plus cher, et il n’y a pas pire que ce système pour l’environnement, surtout quand on a une hauteur de 5 mètres comme dans cet appartement.

Que pensez-vous de l’attitude de la municipalité depuis quelques semaines ?

Mon Dieu, si vous saviez… Je n’ose même pas vous dire mon avis !

Quelles sont vos doléances aujourd’hui ?

C’est qu’on rentre le soir dans nos appartements, après une dure journée, en étant bien, en vivant au chaud, bien isolés, avec nos enfants, notre famille ; on ne demande pas grand-chose ! Quand on pense que des résidents gardent des enfants, et sont obligés de demander aux parents d’apporter des pulls, de grosses chaussettes, c’est normal ? Un Monsieur qui travaille toute la journée sur des chantiers, en extérieur, il serait bien content d’avoir chaud chez lui… On voudrait seulement un logement décent, c’est pas compliqué ! On est nombreux, ici, et on paie un loyer ; l’agent qu’on verse, je voudrais bien savoir où il part ; on nous doit quand même un certain bien-être.

Mais pensez-vous que, globalement, cet ensemble d’immeubles a été bien conçu ? en été par exemple, le trouvez-vous agréable ?

Ah oui, j’adore ! Regardez ma terrasse… On est bien, au soleil ! Ces appartements sont de petits bijoux, qui pourraient être super s’ils étaient bien entretenus. En bas, ils ont des rez-de-jardin ; les enfants peuvent en profiter, y jouer…

Qu’est-ce qu’il faudrait faire, en dehors de cette question de chauffage, pour que ce soit vraiment très bien, que vous n’ayez plus de problème ?

L’entretien ! C’est comme le ménage… Quand des gens viennent chez vous, qu’il y a haut comme ça de feuilles, qu’est-ce qu’on fait ? J’ai dû demander plusieurs fois qu’on les enlève dans l’escalier, pour éviter un accident… et c’est seulement le lendemain du jour où un responsable est venu apporter un capteur chez moi que les feuilles ont été enlevées. On a une seule personne pour faire l’entretien. C’était mieux nettoyé avant, quand le travail était fait par des personnes handicapées.

Et cette question d’isolation ?

Ça fait partie des priorités. Voyez, mon plafond oblique est à 5 m. à son point le plus haut, sous le toit. Je ne sais pas trop ce qu’il y a sous les tuiles… un peu de laine de verre, apparemment, mais rien n’a été fait depuis 1983.

Quelles seront les étapes suivantes de votre action ?

Continuer, aller jusqu’au bout pour nous faire entendre… avec vous, bien sûr ! Je compte sur vous. Moi, je fais tout ce qu’il faut de mon côté : voir mes voisins, leur faire signer s’il le faut, les recevoir, etc., pour obtenir un résultat. L’important, c’est la cohésion. Je n’ai rien fait toute seule.

À propos, ça ne s’est-il pas brusquement réchauffé, ces derniers jours ?

Ah oui ! Mystère… Je crois bien que la grande page dans le Bien Public a ramené le chauffage !

Alors, pourvu que ça dure…

Bien sûr !

Allez-vous demander à CDC Habitat une compensation ?

Bien sûr, il faut qu’ils nous défalquent sur notre loyer. C’est primordial !

Donc, vous allez continuer ?

Oui. Moi, je ne lâche rien.

Eh bien, on vous souhaite bonne chance !

Merci.

 

Vous pouvez lire ici le tract appelant à l'organisation des locataires.

Sur le même thème, voir aussi l'article Chaud et froid à Fontaine Village !


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