Témoignage d'un bénévole de la Banque alimentaire de Bourgogne

Fin novembre, nous avons vu, comme chaque année, les bénévoles de la Banque Alimentaire organiser la collecte des denrées dans les commerces de Quetigny. André LESEIGNEUR, vous êtes un de ces bénévoles quetignois, mais votre action va bien au-delà de cette "simple" collecte annuelle. Quelles sont vos activités tout au long de l’année ?

La Banque Alimentaire, c’est quelque chose de formidable, mais il vaudrait mieux que ça n’existe plus ; cela voudrait dire que la question de la précarité serait résolue ! aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse…
Je m’occupe de la "ramasse", consistant à aller dans les grandes surfaces et l’agro-alimentaire qui donnent des denrées en dates courtes, en excédent, mal conditionnées, etc., deux matinées par semaine (de 8 h 15 à midi environ) ; je vais dans cinq magasins de Quetigny et Chevigny et quelquefois chez des distributeurs grossistes. On va aussi chercher des cartons vides, par ex. dans les restaurants fast food, pour recycler des cartons qui servent pour la collecte et les distributions de colis (pour les CCAS par exemple).
Dans l’agglomération, Il y a au moins cinq tournées chaque matin du lundi au vendredi, et ce toute l’année. Dans chaque camion réfrigéré, on est 2 personnes (3 avant le COVID). Je suis aussi administrateur : je fais remonter les échos (difficultés ou satisfactions) de la ramasse au président et au conseil d'administration…
Et puis, bien sûr, je participe à la collecte nationale : les 27 et 28 novembre, j’ai fait deux jours de transport en allant chercher les cartons dans les magasins.
En Bourgogne, nous avons 10 salariés (2 en mécénat d’entreprise) et tout le reste de la main-d’œuvre est bénévole.

Avec qui travaillez-vous ?


La Banque Alimentaire ne distribue rien en direct : c’est l’équivalent d’une "centrale d’achat", qui répartit entre nos 200 partenaires ce qui est collecté...
La B.A.B. ( banque alimentaire de Bourgogne ) récolte environ 3 000 tonnes de marchandises par an.
- La ramasse représente à peu plus de la moitié du tonnage : 1 800 tonnes en Bourgogne en un an (pour mesurer notre activité, on pèse tout, couches, farine, salades, conserves, chips…).
- L’Union Européenne nous aide pour 800 tonnes, et nous fait aussi des dons de lait UHT ou de produits congelés (ex. beurre).
- La collecte annuelle représentait en 2019 218 t. ; on l’estime à 240 t. en 2020. La plus grosse source d’approvisionnement de Bourgogne, c’est Carrefour Quetigny… beaucoup plus que Carrefour Toison d’Or. Quelques petits magasins donnent énormément, d’autres sont décevants.

Comment s’expliquent ces disparités ?

Avant tout par le dynamisme des bénévoles (il faut une véritable équipe dans un magasin), mais aussi par la mentalité des clients, plus ou moins généreux !

Que faites-vous de toutes ces denrées alimentaires ?

Les denrées de la collecte sont triées, stockées, distribuées tout au long de l'année en fonction de leur nature et des dates.
Les produits de la ramasse sont aussi triés, en fonction de la qualité et des périodes ; une partie est redistribuée le jour même, une autre dans la semaine.
Les partenaires qui reçoivent ces produits sont les
Restos du cœur, le Cœur dijonnais, la Croix-Rouge, les collectifs d’aide aux migrants, les églises, les C.C.A.S., les assistantes sociales… On livre aussi tous les jours à l’épicerie sociale et solidaire Epimut.

Votre tâche est-elle fatigante ?


On manipule à la main de très nombreux cartons, pour collecter ou livrer : en une matinée, je porte de 500 à 800 kilos ! Le Fenwick ne peut être utilisé qu’en bout de chaîne. Heureusement, nous avons quelques jeunes, soit en service civique, ou des bénéficiaires qui viennent donner un coup de main.

Y a-t-il d’autres tâches à accomplir ?


Une équipe prépare dès 6 h du matin les cartons, en fonction de la taille des familles concernées.
Il y a aussi toute une équipe (dont les salariés) qui s’occupe de l’administratif.
On est à peu près 200 bénévoles en Bourgogne (dont beaucoup de retraités), qui viennent soit très régulièrement, soit occasionnellement. Nous prévenons à l’avance quand nous nous absentons.

Qui finance les activités ?

Les subventions, venues de la Métropole, des Conseils départementaux, de la Région… sont de deux sortes :
- d’investissement : la Banque alimentaire était implantée 16 rue de la Houe, à Quetigny, depuis trente ans ; elle a déménagé en 2019 à Dijon, 2 rue de Skopje, parce que les locaux, ici, étaient devenus trop petits, insalubres et dangereux : on est passé de 600 m² à 2 500. L’engagement était lourd (il fallait aussi financer les équipements de réfrigération) ; on a été subventionné, à hauteur de 60 %.
- mais nous avons aussi des subventions de fonctionnement.
D’autre part, les organismes qui viennent chercher les denrées les paient (19 centimes le kilo, tarif voté en assemblée générale), sauf les marchandises de l’U.E., données en subventions.

Y a-t-il un fait particulier qui vous a marqué dans votre action pour la B.A.B. ?

Ce qui me vient à l’esprit, c’est que, quand on va à l’arrière des magasins, on constate de grosses différences entre l’arrière-boutique et la devanture, en matière de rangement et de propreté par exemple ! On doit même refuser certains dons en mauvais état de conservation… Un de nos fournisseurs a décidé de donner désormais ses légumes à d’autres, moins "regardants", et cela lui permet d’avoir plus de déduction fiscale sur le poids déclaré... Entre les différentes enseignes, il y a de grandes différences sur ces questions ; certaines sont absolument irréprochables.

Comment vivez-vous la période particulièrement sinistre que nous traversons ?

Je ne vois pas les bénéficiaires, mais nous savons qu’avec la crise actuelle leur nombre augmente. Heureusement, l’Union européenne a réagi un peu. N’oublions pas qu’elle nous aide aussi pour stabiliser les marchés, et qu’elle avait restreint les moyens du Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis pour "gaspillage" il y a deux ans ; mais aujourd’hui, elle tient compte de la crise sanitaire et sociale…
On fait aussi de plus en plus d’échanges entre les Banques alimentaires de différentes régions (la Bretagne, par ex.) pour rééquilibrer les stocks.

Et comment, pour vous, se dessine l’avenir ?

Ce qui nous met du baume au cœur, c’est que la générosité a augmenté cette année. Les gens ont donné davantage dans les magasins – surtout dans une ville comme Quetigny, traditionnellement altruiste –, et la quantité de bénévoles disponibles augmente. En revanche, les collectivités tendent à baisser les subventions et à "pinailler" sur les dossiers. On espère que l’U.E. ne nous lâchera pas !
Nous souhaiterions faire plus, travailler avec d’autres magasins… Mais nous n’avons pas assez de bénévoles, de partenaires, de camions, etc. pour le faire. Par exemple, les périodes de vacances scolaires sont tendues. La Banque Alimentaire ne s’arrête jamais ! Elle ne fait que les "ponts", jamais les "viaducs"…

Merci, André, pour cette conversation en toute liberté.

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