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La réforme du chômage
La démolition de l’assurance chômage, le patronat en rêvait. Macron la réalise. La réforme qui entre en vigueur le 1er juillet 2021 est d’une grande violence. Les syndicats (y compris la CFDT), le syndicat du mouvement national des chômeurs et précaires MNCP, l’UNEDIC, les agents de Pôle Emploi sont unanimes pour dénoncer cette réforme. Plusieurs mesures vont entrer en application :
- pour l’ouverture des droits, la durée d’affiliation, aujourd’hui de 4 mois travaillés dans les 24 derniers mois, va monter à 6 mois dès la première « amélioration » du marché du travail (octobre 21 ou janvier 22).
- un nouveau mode de calcul des allocations est mis en place : actuellement basé sur les seules journées travaillées, il prendra en compte les périodes non travaillées, baissant mécaniquement le montant des allocations.
- une dégressivité des droits, allant jusqu’à 30 %, sera appliquée aux chômeurs de moins de 57 ans percevant un peu plus de 2 500 euros par mois à partir du 9ème mois d’allocation et du 7ème mois dès la première amélioration du marché du travail.
Le nouveau calcul affectera les plus précaires, ceux qui alternent périodes de travail et chômage, particulièrement dans les secteurs des services à la personne, du transport, de la logistique, de la vente et de la grande distribution, de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et des loisirs. Tous ces emplois utilisent des contrats courts : CDD, temporaires... Dans le milieu artistique, les intermittents doivent faire 507 heures sur 12 mois pour bénéficier de leur régime de chômage. Or, beaucoup n'ont pas effectué 200 h de travail en 2020 à cause du Covid, et de nombreux théâtres ont été occupés. On imagine que l'allocation chômage sera égale à zéro. Il faut absolument poursuivre par une année blanche pour pouvoir, à terme, recharger des droits.
D’après l’UNEDIC, actuellement 43 % des personnes inscrites à Pôle Emploi touchent des allocations. Avec la réforme, 63 % des allocataires seront concernés, dès la première année, par une indemnisation totale inférieure.
Nous sommes donc de moins en moins dans une mesure de solidarité interprofessionnelle où les citoyen·ne·s sans emploi gardent leurs revenus – et la tête hors de l’eau – dans l’attente d’une réinsertion dans le monde du travail.
Le but est bien sûr de réaliser des économies importantes sur les allocations versées, de baisser les indemnités des plus précaires pour les forcer « à changer de comportement », comme disait Muriel Pénicaud. C'est un cadeau pour le MEDEF qui se plaint de « 500 000 offres d’emploi qui ne trouveraient pas preneurs », prétexte pour critiquer un prétendu « assistanat » trop généreux avec les chômeurs ; c'est largement mensonger : en 2017, sur 150 000 offres d’emploi, 87 % ont reçu au minimum une candidature.
Un autre but est de dégager de la compétitivité pour faire accepter des conditions de travail dégradées. Il s’agit d’une bataille politique, historique et idéologique pour économiser 2,3 milliards par an. Mais cela pèse-t-il vraiment par rapport aux plus de 70 milliards de dette accumulée à cause du financement du chômage partiel en lien avec la pandémie ?Et pourtant, la dette et le déficit ne sont pas engendrés par les règles de l’assurance chômage. En 2019, l’UNEDIC a versé 35,4 milliards d’indemnisations et a reçu 39,1 milliards de cotisations patronales* pour son financement. Le système a toujours été équilibré, selon l'économiste Bruno Coquet. Le problème est ailleurs.
Depuis 2008, l’UNEDIC finance Pôle Emploi, à hauteur de 3,5 milliards d'euros en 2019, ce qui n’était pas son rôle initial. Elle verse également 3,5 Mds d’euros pour les points de retraite complémentaires des chômeurs indemnisés. Avec toujours plus de chômeurs mais sans recette supplémentaire, l’UNEDIC doit emprunter (obligations, bons à terme). Conséquence : l’explosion de la dette de l’UNEDIC, devenue machine à cash pour les marchés financiers et soumise à la dépendance des méthodes obscures des agences de notation. Bien sûr, le patronat veut supprimer la garantie de l’État sur la dette de l’UNEDIC. Les indemnisations des chômeurs ne sont plus qu’une variable d’ajustement. Après 60 ans d’existence, il est temps de repenser ce système d’indemnisation, son financement et sa gestion, pour permettre un maintien du niveau de vie pour les travailleurs privés d’emploi !
La colère enfle contre cette nouvelle "réforme" scélérate. Pour s'en convaincre, il suffit de voir l'énergie dépensée avec constance et détermination par les intermittent·e·s et précaires dans l'agglomération dijonnaise, avec occupation du théâtre, comme dans de nombreuses villes de France. Nous soutenons cette lutte.
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* Jusqu’en 2019, l’UNEDIC était financée par des cotisations salariales et patronales du secteur privé. Depuis 2019, les cotisations salariales ont été remplacée par une partie (1,45 point) de la CSG activité.
https://www.vie-publique.fr/en-bref/279608-assurance-chomage-de-nouvelles-regles-au-1er-juillet-2021
https://www.mncp.fr/wp-content/uploads/2021/04/Tract-contre-reforme-assurance-chomage-1.pdf