La "Smart City" :
Big Brother ? et à quel prix !
À en croire une bonne partie de la presse (La Tribune, Le Bien Public, Les Échos, France bleu, Le Monde, France 3...), l'agglomération dijonnaise est un modèle pour la France entière ! Avec "On Dijon" (nom donné dans la cité des Ducs à l'application locale du concept international de "smart city"), la technologie semble être en mesure de résoudre tous les problèmes du Grand Dijon...
Quelle chance nous avons de vivre dans cette (petite) métropole née de la concomitance des mandats de deux François présidents et amis, et promise à un avenir resplendissant par les bonnes fées Bouygues, Capgemini, Citelum et Suez, maîtres d'œuvre du projet !
Pourtant, au Conseil municipal de Dijon (voir vidéo à 02:05:35), les débats sur "On Dijon" ont surtout révélé une explosion des coûts... Des dizaines de millions de nouvelles dépenses inattendues révèlent un fâcheux manque d'anticipation en 2017, lorsque le projet de Smart City a été lancé. L'argument-clé alors mis en avant (65 % d'économies sur l'éclairage public, objectif aujourd'hui loin d'être atteint) semble être passé au second rang dans le "plan com" de la Métropole.
En revanche, on s'aperçoit que, dans un tourbillon de nouvelles dépenses pour collecter des données, 6 millions d'€ en 10 ans vont être consacrés exclusivement à la vidéosurveillance. C'est une véritable fuite en avant !
D'abord, l'investissement est-il si rentable ? Certes, des économies d'éclairage sont possibles, mais une fois celles-ci réalisées, le maillage de plus en plus serré en équipements connectés aux fonctions de plus en plus diverses et à l'obsolescence de plus en plus rapide ne semble avoir aucune limite... et ces équipements numériques, voraces en énergie, dégagent de gros volumes de gaz à effet de serre.Mais surtout, qu'est-ce qui se cache derrière la "Smart City" "On Dijon" en matière de libertés publiques ? Ces anglicismes assez ridicules ont des airs de slogans, typiques d'une société où la com et la pub prennent de plus en plus le contrôle des esprits, et où on se laisse petit à petit priver de ses droits. Nous nous sommes déjà inquiétés, à Quetigny, du développement sans débat de la 5G et de la multiplication des caméras de surveillance... Un magnifique pylône (dont on aimerait bien connaître la hauteur) a récemment fleuri dans la zone commerciale, sur un terrain appartenant à la société des centres commerciaux Carrefour, bien avant la toute récente publication pour consultation de l'avis de l'ANSES sur la 5G ; et nous voyons se poursuivre inexorablement l'installation des caméras, comme devant l'école maternelle Nelson Mandela, en attendant leur implantation annoncée parc du Grand Chaignet... Certes, on parle désormais de "vidéoprotection" plutôt que de "vidéosurveillance", mais il s'agit bien de la même chose !
Mettre l'accent sur ses risques n'est pas une douce lubie de bobos débiles illuminés...
La Cour des comptes estime que l'efficacité de la vidéosurveillance n'est pas prouvée, alors que ses coûts sont très élevés. Elle note également le manque d'encadrement législatif pour les caméras embarquées, les drones ou encore la reconnaissance faciale.
La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) nous a mis depuis plusieurs années en garde contre les "discours prométhéens annonçant l’avènement d’une smart city centralisée, pilotée depuis un unique tableau de bord, avec l’algorithme comme grand ordonnateur" ; elle exige une meilleure protection de la vie privée et des limites à la collecte des données personnelles.
Croit-on vraiment qu'une salle de contrôle futuriste et des outils de gestion centralisateurs agrégeant des myriades de données au service d'une idéologie productiviste soient le moyen d’affronter les immenses défis écologiques et sociaux de notre temps ? Ne passe-t-on pas à côté de l'humain, tout simplement ?Nous ne sommes pas des adversaires de la tranquillité publique ; nous ne nions pas que la vidéo puisse, dans quelques cas précis, permettre de corroborer de nécessaires poursuites judiciaires en cas d'infractions ou de délits, ni qu'elle puisse atténuer à court terme le sentiment d'insécurité d'une bonne partie de la population. Mais ne nous laissons-nous pas entraîner, par démagogie ou inconscience, dans une spirale de généralisation des contrôles ? À quel stade devrons-nous nous arrêter ? Faudra-t-il installer toujours plus de caméras puisque — surprise — la délinquance se déplace lorsqu'on en installe une ? Faudra-t-il suivre l'exemple de la Chine, cauchemar des démocrates, en développant la reconnaissance faciale ? Si l'on avait annoncé il y a vingt ans aux membres de l'actuelle majorité municipale qu'ils allaient devenir des chantres de la vidéoprotection, auraient-ils cru cela possible ?
Nous préconisons plutôt, fidèles aux valeurs fondatrices de la "ville nouvelle" de Quetigny, de mettre l'accent sur la prévention, sur les éducateurs et médiateurs, sur le civisme, sur la culture, sur le soutien aux personnes en difficulté financière ou victimes de la précarité, sur le partage et l'inclusion. C'est d'humanité et de démocratie que notre société a d'abord besoin.
Ce qu'on nous raconte :
https://www.citelum.fr/news/dijon-metropole-met-en-service-un-projet-inedit-de-smart-city-en-france/Ce qui décape un peu les neurones :
https://youtu.be/jxOhCnL9S_cCe qui incite à la prudence :
https://www.nextimpact.com/article/27434/105426-smart-city-cnil-dresse-tableau-sombre-pour-libertes-individuelles