1.
Tu t'es présentée comme tête de liste de
Réinventons Quetigny aux élections municipales
de 2020, et tu as été élue. Tu travailles,
tu as deux enfants, comment arrives-tu à concilier ta
vie familiale, professionnelle et ton mandat d'élue ?
Le choix de m'engager a été difficile justement
parce que je travaille et que j'ai deux enfants en bas âge.
Dans ma carrière professionnelle comme dans ma vie privée,
j'ai souvent été animée par l'envie de
changer les choses, de les améliorer et surtout de faire
ensemble. Je pense que
la pluralité des parcours, des histoires et des origines
fait la richesse de la communauté.
Je me suis éloignée quelques années de
Quetigny tout en revenant de temps en temps pour voir mes proches
et mes parents. J’aime cette ville puisqu’elle a
marqué mon histoire.
Ce qui m'a poussée à passer le cap de l'engagement
a été la certitude que je pouvais apporter quelque
chose à ma ville. Cela a été le premier
pas. Aujourd'hui et après un an de mandat, je constate
qu'il est possible de faire les trois. Néanmoins, j'ai
appris à faire des concessions sur certaines choses :
je m'organise différemment avec les enfants pour passer
certaines soirées ou après-midi sur des questions
relatives à la commune. Je souhaiterais être encore
plus présente dans ce rôle : faire plus d'actions
et avoir plus de temps pour échanger avec les habitants
et agents de la ville, mais le temps n'est malheureusement pas
extensible. C'est assez frustrant.
2. À ton avis, qu'est ce qui permettrait
que les femmes dans ta situation, et donc de ta génération,
puissent davantage s'investir dans la vie municipale ?
Aujourd’hui, il est plus aisé de s’engager
dans une action et un collectif plutôt que dans un parti
politique où tout est très hiérarchisé
et répond à des règles internes. Contrairement
au parti, le collectif s’organise autour d’un thème,
d’une action à réaliser et répond
à des questions plus concrètes.
Je pense que le manque de temps ne joue pas en faveur de l’engagement
et nous noie facilement dans le train-train quotidien.
Pour s’engager dans une démarche citoyenne, il
faut être frappée par ce qui nous entoure au point
de s’élever contre ; ou il faut en avoir assez,
à tel point que l’on se dit « c’est
plus possible », ou juste se dire que l’on
veut apporter sa pierre à l’édifice.
Je pense que la troisième option est plus rare puisque
nous apprenons dès le plus jeune âge à ne
pas faire de vagues, à ne
pas dire ce que l’on pense lorsque nous ne sommes pas
sûres. Comment être sûre de quelque chose
que l’on n’ a pas tenté ?!
Je pense que dégager du temps permettrait à chacune
d'entre nous de s'engager. Cela serait envisageable si la loi
permettait un aménagement d'heures de mandat comme il
est prévu pour les conseillers municipaux de la majorité
: permettre à chaque salarié de poser des heures
destinées à l'exercice de son mandat.
3. Est-ce que, d'après toi, le fait d'être
une femme a un impact sur ta parole dans le groupe RQ auquel
tu appartiens? au Conseil Municipal, et dans les commissions
municipales auxquelles tu participes? (donc comme membre de
l'opposition) ?
Je pense que le fait que je sois jeune et femme a un impact
sur la manière dont on perçoit mes paroles. Plusieurs
anecdotes me viennent à l'esprit :
Lors des 2 premiers conseils municipaux et contrairement au
protocole habituel, le Maire a préféré
s'adresser au doyen de notre liste, qui s'avère être
un homme, plutôt qu'à moi directement, alors que
quelques minutes avant il s'était adressé pour
la même question à l'autre tête de liste
de l'opposition de droite, qui est un homme... J'ai bien senti
qu'il fallait que je fasse ma place.
D'ailleurs, après "avoir fait mes preuves",
maintenant on s'adresse à moi en premier lieu pour les
questions relatives à RQ.
Ces manières me posent question.
À plusieurs reprises, j'ai eu droit en conseil municipal
à des remarques du genre "vous êtes jeune",
"vous débutez".
Bizarrement, ces remarques sont toujours faites devant les caméras,
comme s'il fallait figer une condition afin de rendre mes propos
plus légers.
Bizarrement, ces remarques ne sont pas faites à certains
membres de l'opposition qui n'ont que quelques années
de plus que moi et qui n’ont pas plus d’expérience.
Parfois, je me pose la question de savoir si le fait d'être
une femme de 37 ans me rend aux yeux de certains fragile et
légère...
Je pense que ces habitudes typiques sont tellement ancrées
qu’elles ne sont même pas relevées, et souvent
ne viennent pas de mauvaises intentions.
Heureusement, ces manières de faire, assez patriarcales,
tendent à se perdre avec les nouvelles générations.
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