Interview de Lucia Sacilotti



1. Tu t'es présentée comme tête de liste de Réinventons Quetigny aux élections municipales de 2020, et tu as été élue. Tu travailles, tu as deux enfants, comment arrives-tu à concilier ta vie familiale, professionnelle et ton mandat d'élue ?

Le choix de m'engager a été difficile justement parce que je travaille et que j'ai deux enfants en bas âge. Dans ma carrière professionnelle comme dans ma vie privée, j'ai souvent été animée par l'envie de changer les choses, de les améliorer et surtout de faire ensemble. Je pense que la pluralité des parcours, des histoires et des origines fait la richesse de la communauté.

Je me suis éloignée quelques années de Quetigny tout en revenant de temps en temps pour voir mes proches et mes parents. J’aime cette ville puisqu’elle a marqué mon histoire.

Ce qui m'a poussée à passer le cap de l'engagement a été la certitude que je pouvais apporter quelque chose à ma ville. Cela a été le premier pas. Aujourd'hui et après un an de mandat, je constate qu'il est possible de faire les trois. Néanmoins, j'ai appris à faire des concessions sur certaines choses : je m'organise différemment avec les enfants pour passer certaines soirées ou après-midi sur des questions relatives à la commune. Je souhaiterais être encore plus présente dans ce rôle : faire plus d'actions et avoir plus de temps pour échanger avec les habitants et agents de la ville, mais le temps n'est malheureusement pas extensible. C'est assez frustrant.

2. À ton avis, qu'est ce qui permettrait que les femmes dans ta situation, et donc de ta génération, puissent davantage s'investir dans la vie municipale ?

Aujourd’hui, il est plus aisé de s’engager dans une action et un collectif plutôt que dans un parti politique où tout est très hiérarchisé et répond à des règles internes. Contrairement au parti, le collectif s’organise autour d’un thème, d’une action à réaliser et répond à des questions plus concrètes.
Je pense que le manque de temps ne joue pas en faveur de l’engagement et nous noie facilement dans le train-train quotidien.
Pour s’engager dans une démarche citoyenne, il faut être frappée par ce qui nous entoure au point de s’élever contre ; ou il faut en avoir assez, à tel point que l’on se dit « c’est plus possible », ou juste se dire que l’on veut apporter sa pierre à l’édifice.
Je pense que la troisième option est plus rare puisque nous apprenons dès le plus jeune âge à ne pas faire de vagues, à ne pas dire ce que l’on pense lorsque nous ne sommes pas sûres. Comment être sûre de quelque chose que l’on n’ a pas tenté ?!

Je pense que dégager du temps permettrait à chacune d'entre nous de s'engager. Cela serait envisageable si la loi permettait un aménagement d'heures de mandat comme il est prévu pour les conseillers municipaux de la majorité : permettre à chaque salarié de poser des heures destinées à l'exercice de son mandat.

3. Est-ce que, d'après toi, le fait d'être une femme a un impact sur ta parole dans le groupe RQ auquel tu appartiens? au Conseil Municipal, et dans les commissions municipales auxquelles tu participes? (donc comme membre de l'opposition) ?

Je pense que le fait que je sois jeune et femme a un impact sur la manière dont on perçoit mes paroles. Plusieurs anecdotes me viennent à l'esprit :
Lors des 2 premiers conseils municipaux et contrairement au protocole habituel, le Maire a préféré s'adresser au doyen de notre liste, qui s'avère être un homme, plutôt qu'à moi directement, alors que quelques minutes avant il s'était adressé pour la même question à l'autre tête de liste de l'opposition de droite, qui est un homme... J'ai bien senti qu'il fallait que je fasse ma place.
D'ailleurs, après "avoir fait mes preuves", maintenant on s'adresse à moi en premier lieu pour les questions relatives à RQ.
Ces manières me posent question.

À plusieurs reprises, j'ai eu droit en conseil municipal à des remarques du genre "vous êtes jeune", "vous débutez".
Bizarrement, ces remarques sont toujours faites devant les caméras, comme s'il fallait figer une condition afin de rendre mes propos plus légers.
Bizarrement, ces remarques ne sont pas faites à certains membres de l'opposition qui n'ont que quelques années de plus que moi et qui n’ont pas plus d’expérience.
Parfois, je me pose la question de savoir si le fait d'être une femme de 37 ans me rend aux yeux de certains fragile et légère...
Je pense que ces habitudes typiques sont tellement ancrées qu’elles ne sont même pas relevées, et souvent ne viennent pas de mauvaises intentions.

Heureusement, ces manières de faire, assez patriarcales, tendent à se perdre avec les nouvelles générations.

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