En janvier
2019, Emmanuel Macron faisait savoir qu'il renonçait
à sa promesse d’interdire le glyphosate en 2021.
Cette substance, connue par le succès commercial du Roundup
de la multinationale américaine Monsanto (absorbée
avec un certain goût du risque par l'allemand Bayer en
2018), avait pourtant été jugée en juillet
2015 "probablement cancérigène" par
le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui
dépend de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), et déjà interdite en France pour les espaces
publics (janvier 2017) comme pour les particuliers (janvier
2019). Mais selon le président, l’objectif de "sortie
d’ici à trois ans" chez les agriculteurs,
pour laquelle il s'était pourtant engagé personnellement,
n’était "pas faisable"... Ce reniement
avait été considéré comme un geste
en direction de la FNSEA, qui affirmait qu'une grande partie
des exploitations agricoles ne pourraient survivre à
une telle mesure.
En
mars 2019, dans un climat de forte contestation sociale (Gilets
jaunes) et écologiste (Nous voulons des coquelicots),
M. Rebsamen, maire de Dijon, et M. Falconnet, maire de Chenôve,
avaient pris des arrêtés interdisant toute utilisation
de glyphosate sur leur commune.
Sans doute les deux édiles ne se faisaient-ils pas trop
d'illusions sur la pérennité de cette décision,
et peut-être M. Rebsamen envisageait-il encore une liste
commune avec EELV aux municipales... Quoi qu'il en soit, la
FDSEA de Côte-d'Or lançait dès juillet 2019
un recours gracieux à l'encontre de la municipalité,
et en septembre 2019, le préfet Schmeltz attaquait ces
décisions devant le tribunal administratif. L'audience
s'est tenue en décembre 2020, le Conseil d'État
a rendu le 31 décembre un avis rejetant un recours de
la commune d'Argenteuil qui défendait une mesure similaire,
et le jugement dijonnais a été rendu fin janvier :
sans surprise, il affirme que, si les maires ont le droit de
prendre pour leur commune les mesures de police générale
nécessaires à la sécurité et à
la salubrité publiques, ils ne peuvent user de cette
compétence pour édicter une réglementation
portant sur les conditions générales d'utilisation
des produits pharmaceutiques qui relèvent des seules
autorités de l'État ; il considère
aussi que le principe de précaution (mis en
avant par la défense) ne peut permettre à
une autorité publique d'excéder son champ de compétence.
Les arrêtés ont donc été annulés.
Le
débat, vif depuis des années sur la question du
glyphosate, est encore monté d'un cran. Des actions ont
été envisagées ou mises en œuvre aux
niveaux national et européen (ex. par Me Corinne Lepage),
et les manifestations se sont succédé à
Dijon, à l'initiative, par exemple, des "pisseurs
involontaires de glyphosate" à la Cité judiciaire :
ils dénoncent le dépassement très significatif
des taux légaux de glyphosate dans les urines de la quasi-totalité
des militants qui les ont fait analyser
(il est vrai que la molécule ne vit qu'une quinzaine
de jours après pulvérisation et devient inactive,
ce que ne manque pas de faire remarquer Monsanto), et
exigent des mesures d'urgence. Plusieurs suggèrent une
autre stratégie : que les maires portent désormais
plainte contre les utilisateurs de glyphosate, en vertu des
lois interdisant à tout citoyen d'abandonner ses déchets.
Ajoutons
que le glyphosate ne représente que 40 % du produit
Roundup. Attaquer seulement le glyphosate, en un sens,
rend bien service à Bayer-Monsanto qui veut surtout garder
le secret sur la composition des adjuvants, 100 fois plus dangereux
et 100 fois plus cancérigènes : arsenic,
plomb, métaux lourds, produits pétroliers, etc.
Ce ne sont donc pas des arrêtés anti-glyphosate
que les maires doivent prendre, mais anti-herbicides au moins
(voire anti-pesticides). D'autant plus que Bayer-Monsanto a
déjà produit du Roundup sans glyphosate,
pas forcément moins toxique... Quant aux agriculteurs,
ce n'est pas comme ça que l'on va changer leurs pratiques !
Un seul petit succès dans la lutte des associations anti-pesticides :
de nombreuses associations environnementales, dont Générations
Futures, France Nature Environnement, Alerte
des médecins sur les pesticides, avaient saisi le
Conseil d’État en 2020, dénonçant
des dérogations locales aux distances imposées
aux riverains des cultures. Le 4 janvier, le Conseil d’État
avait saisi le Conseil constitutionnel d’une question
prioritaire de constitutionnalité sur cette question.
Le 19 mars, celui-ci a proclamé anticonstitutionnelle
la méthode d’élaboration de chartes locales
dérogatoires qui permettaient de réduire les distances
de sécurité entre les habitations et les zones
d’épandage de 10 à 5 mètres pour
les cultures hautes et de 5 à 3 mètres pour les
cultures basses.
La
question n'est pas simple... En dépit du reniement d'Emmanuel
Macron, la consommation de glyphosate en France tend aujourd'hui
à baisser légèrement. Mais peut-on admettre
qu'un lobby composé de la partie la plus productiviste
et rétrograde d'un monde paysan beaucoup plus divers
que certains l'imaginent, d'industriels de la chimie, de décideurs
politiques et économiques soucieux de garder une clientèle,
impose comme il le fait son agenda politique à l'Exécutif ?
Peut-on tolérer que, comme sur d'autres dossiers (Convention
Citoyenne pour le climat), celui-ci fasse aussi peu de cas de
ses propres engagements... et de la protection de l'environnement
ou de la santé des citoyens ? On pouvait espérer
un peu plus de courage politique de nos gouvernants, qui auraient
plutôt dû accompagner les agriculteurs dans la nécessaire
transition des modes de production , en veillant à une
juste rémunération de leur travail.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/pourquoi-les-arretes-anti-glyphosate-pris-a-dijon-et-chenove-ont-ils-ete-annules-par-la-justice-1935391.html
https://www.facebook.com/glyphosate21/
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/emmanuel-macron-avait-t-il-promis-la-fin-du-glyphosate-pour-2020-comme-laffirme-yannick-jadot_4021833.html
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