Projet Hercule
ou le pillage d'EDF



La production et la fourniture d’électricité restent un secteur essentiel de nos sociétés.

EDF, issue du programme du Conseil National de la Résistance, mettait en place en 1946 un service universel et un droit pour tout citoyen de recevoir cette énergie, quel que soit l’endroit et au même prix... Mais en 2004, EDF et GDF étaient séparés et devenaient sociétés anonymes ; puis GDF était privatisé par sa fusion avec Suez. En 2007, les 2 secteurs gaz et électricité s’ouvraient à la sainte concurrence... Mais c’était sans compter avec le vieil adage capitaliste : « Privatisons les profits, socialisons les dettes ».

Le projet Hercule, initié par la commission européenne, aiguillonné par les lobbies, souhaite déréguler ce secteur. Il s’agit de renationaliser EDF pour un coût minimum et de placer les actifs de production dans une filiale publique : EDF bleu. Cette filiale détiendrait une régie publique hydraulique, EDF Azur. Pierre d’achoppement avec la commission européenne et source de probables longues négociations, sans compter la résistance syndicale et l'intervention des partis de gauche, EDF verte, séparée, regrouperait, avec le renouvelable, les activités commerciales et services adossés aux filiales de distribution, appelés à être privatisés (parce que rentables ?). Enedis (réseaux locaux) se rapprocherait du réseau principal RTE. Nucléaire et hydraulique, ainsi que la dette, seraient contrôlés par l’État. Bref, ce serait la fin d’EDF !

L’État français, à la fois régulateur, stratège et actionnaire, est piégé par ses contradictions. L’orthodoxie de la concurrence chère à Bruxelles pèsera lourd dans les choix opérés. Une addition de 46 à 60-70 milliards de déficit (selon les sources) annonce une recapitalisation qui effraie même les milieux financiers. Le gouvernement devra injecter des dizaines de milliards d’euros pour mettre à niveau le parc nucléaire appelé "le grand carénage" (100 milliards), pour mener à bien la construction déjà préparée de 6 nouveaux EPR (46 milliards estimés), la fermeture progressive des plus vieilles centrales, la poursuite du déploiement des sources d'énergie renouvelables et la modernisation des réseaux qui devront s’y adapter... Cela donne le vertige.

Mais n’a-t-on pas laissé un pouvoir considérable à une caste d’ingénieurs imbus de leur savoir, lobby tout-puissant dans la mise en place et le développement d’une filière nucléaire devenue au fil du temps un véritable carcan pour notre avenir énergétique ? Cette politique du "presque tout nucléaire" risque fort de mener à une double impasse : impasse économique due au coût futur des centrales, mais aussi impasse technique inscrite dans l’impossible maîtrise des risques liés au fonctionnement des centrales et à la gestion des déchets.

« EDF a maintenant 2 jambes », disait en janvier 2021 son PDG. N’y a-t-il pas une jambe de bois ? À plus de 110 euros le mégawatt pour un EPR contre 50 euros le mégawatt possible pour l’éolien en mer, la voix de la raison finira-t-elle par triompher ? Si on peut regretter que certains syndicats n’aient pas su prendre la distance nécessaire avec cette politique de fuite en avant, de propagande souvent mensongère, il faut se réjouir du large consensus trouvé pour qu’EDF reste un service public. Associations, syndicats, partis de gauche viennent de créer un collectif national pour le retrait de ce projet Hercule. Souhaitons que son action s’oriente résolument vers un Service Public proposant une énergie dénucléarisée.


Pour aller plus loin :

https://www.bastamag.net/Le-futur-demantelement-d-EDF-serait-une-spoliation-d-un-bien-public-sans

https://www.novethic.fr/actualite/economie/isr-rse/le-projet-hercule-qui-vise-a-scinder-edf-symbolise-l-imbroglio-energetique-de-la-france-149463.html

https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-07/20200709-synthese-filiere-EPR.pdf

https://www.youtube.com/watch?v=nQSuh_DeLQM&list=LL&index=2&t=54s

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