Déchets nucléaires à Bure : l'Autorité Environnementale plus que critique
Depuis 2006, un « laboratoire de recherche géologique » a été installé à Bure (Meuse) pour étudier un projet de poubelle atomique souterraine, pardon ! un projet d'enfouissement géologique profonds de déchets radioactifs. Il faut rappeler qu'il s'agit d'enfouir des matériaux très dangereux et dont la durée de vie, pour certains, est de 100 000 ans... (cent mille). En 2016, la loi autorise le démarrage de CIGÉO (Centre industriel de stockage géologique) pour une phase pilote.Depuis longtemps, de nombreux élus et habitants se sont mobilisés contre ce projet, mais depuis 2016, malgré les tentatives de l'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) d'acheter les élus locaux à coup de millions d'euros pour les communes de la région, la résistance s'est intensifiée. La répression aussi s'est intensifiée : les manifestations ont été violemment réprimées, la gendarmerie exerce un harcèlement quotidien des militants mais aussi des habitants, la justice criminalise les opposants (incrimination pour "association de malfaiteurs", par exemple).
Les débats publics ont montré leur inutilité puisque la décision (celle de l'enfouissement des déchets et du lieu) était prise ; le dernier (2013) a été boycotté par les opposants. Pour l’obtention de la Déclaration d'Utilité Publique (DUP), l'ANDRA a dû déposer un dossier, et cette procédure devrait faire l'objet d'un débat public en 2021.
Dans un rapport de 56 pages, l'Autorité Environnementale éreinte le dossier de l'ANDRA.
Il est difficile de résumer en quelques lignes ce rapport, mais on peut en retirer quelques conclusions fortes :• L’ANDRA assure que le stockage en couche profonde est considéré comme mature sur le plan international, alors que partout ce type de stockage de produit dangereux rencontre des difficultés (Stocamine en Alsace, Asse en Allemagne).
• L’AE estime qu’il reste à démontrer que l’argile de Bure est le plus adapté pour engager l’avenir sur plusieurs millénaires et regrette que des études dans le granit, le schiste ou le sel n’aient pas été conduites et que seul le site de Bure ait bénéficié d’un laboratoire d’étude.
• La possibilité de récupérer les déchets en cas d’incident ou d’accident n’est toujours pas démontrée, difficulté déjà reconnue par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).
• Le projet n’aborde pas la liste et le caractère des déchets qui seraient enfouis.
• L’AE s’inquiète de la nappe phréatique qui est considérée par le Bureau de Recherche Géologique et minière (BRGM) comme stratégique pour l’alimentation en eau potable, et souhaiterait aussi que le potentiel géothermique du sous-sol soit à nouveau étudié.
• L’objectif affiché par l’ANDRA est de favoriser le développement économique de ces départements (Meuse et Haute-Marne), mais les éventualités d’incident ou d’accident sont très peu prises en compte. L’AE préconise même de limiter l’expansion démographique de la zone.
• Enfin, l’ANDRA néglige et minimise les conséquences sur la faune la flore et les eaux. La « zone puits » est implantée dans la Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF).L’avis de l’AE émet encore de nombreuses autres réserves et renforce les convictions des opposants à la poubelle nucléaire de Bure en confortant les critiques qui s'accumulent depuis longtemps. Manifestement, l’ANDRA n’est pas encore prête à pouvoir mettre en œuvre son projet délirant, mais il faudra encore de nombreux combats pour le lui faire abandonner.
Pour aller plus loin :
https://reporterre.net/Dechets-nucleaires-une-note-explosive-pointe-les-lacunes-du-projet-Cigeo#nh2https://www.sortirdunucleaire.org/L-Autorite-environnementale-tacle-le-dossier-de