Légalisation de l'I.V.G. en Argentine

Alors que les événements récents aux U.S.A inquiètent sur l’avenir de leur démocratie, il nous vient d’un autre pays d’Amérique une excellente nouvelle : après des années de mobilisation féministe, l’interruption volontaire de grossesse est devenue légale le 30 décembre pour toutes les femmes en Argentine. Jusqu’ici, l’avortement n’était permis dans ce pays très catholique qu’en cas de "viol ou de danger pour la vie de la mère" selon une loi de 1921 (rappelons qu’en France, une loi de 1920 interdisait toute propagande anticonceptionnelle et rendait le "crime d'avortement" passible de la cour d'assises). Les interruptions de grossesses étaient jusqu’à présent pratiquées clandestinement, ou légalement sur imputation de viol (ce qui pouvait conduire à des peines très sévères en cas de fraude prouvée). Chaque année, on estimait à 450 000 le nombre d’avortements clandestins, et à 38 000 le nombre de femmes argentines hospitalisées pour complications suite à ces pratiques.

Le pape François, de nationalité argentine, s’était jusqu’ici gardé d’intervenir sur la question… mais, la veille du vote du sénat, il a twitté : « Le Fils de Dieu est né rejeté pour nous dire que toute personne rejetée est un enfant de Dieu. Il est venu au monde comme un enfant vient au monde, faible et fragile, afin que nous puissions accepter nos faiblesses avec tendresse ». Cette pression plutôt modérée n’a pas empêché le vote de la loi.

Le président Alberto Fernández, qui s’affirme "libéral de gauche progressiste péroniste", au pouvoir depuis fin 2019, avait promis de soumettre la légalisation de l’ I.V.G. aux parlementaires. La présidente du sénat n’est autre que Cristina Kirchner, actuelle vice-présidente et ancienne présidente de la nation, et s’est bien sûr félicitée du vote.

Malgré la pandémie, plusieurs milliers d’Argentin·e·s s’étaient rassemblé·e·s à proximité du Congrès de Buenos Aires vers 16 heures, dans la moiteur de l’été austral, pour exprimer leur soutien au texte, avec foulards verts, banderoles prônant un "avortement légal, sûr et gratuit", slogans, musique, écrans géants transmettant les débats en direct, face aux "pro-vida" (en bleu) sur une autre partie de la Plaza del Congreso. À 4 heures du matin, ce fut une explosion de joie.

Le texte, qui autorise sans condition l’I.V.G. jusqu’à 14 semaines de grossesse, avait été adopté sans difficulté par les députés le 11 décembre par 131 voix pour, 117 contre et 6 abstentions, mais on doutait du vote du sénat, qui avait rejeté en 2018 avec sept voix de majorité un projet similaire. Or, après 12 heures de débats acharnés (en grande partie en visioconférence) avec 58 orateurs inscrits à l’ordre du jour, il l’a adopté par 38 voix pour, 29 contre et une abstention. Pour convaincre les sénateurs, le texte soumis au vote inclut la possibilité pour les médecins de faire valoir leur "objection de conscience". Parallèlement, un autre projet de loi crée une "allocation des 1 000 jours" destinée à soutenir les mères de famille pendant leur grossesse et les premières années de l’enfant, de façon à réduire les avortements pour raisons économiques.

Avec ce texte, l’Argentine rejoint Cuba (1965), l’Uruguay (2012), le Guyana (2006), le district fédéral de Mexico (2007) et l’État mexicain d’Oaxaca (2019), les seuls à autoriser l’IVG sans conditions en Amérique latine.

En France, le délai d’accès à l’I.V.G. est actuellement de 12 semaines, mais un vote des députés du 8 octobre 2020 préconise, en dépit des réticences du gouvernement, de le porter à 14 semaines (comme en Argentine donc). Les sénateurs doivent se prononcer le 20 janvier. Le Comité Consultatif National d'Éthique, saisi par Olivier Véran, considère qu’ « il n'y a pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'I.V.G ».

Carte montrant le statut de l’I.V.G. dans les différents pays d’Amérique latine :
https://www.liberation.fr/planete/2020/12/30/l-argentine-legalise-enfin-l-ivg-le-reste-de-l-amerique-latine-a-la-traine_1809910

Quelques images du rassemblement des pro-I.V.G sur la place du Congrès :
https://www.courrierinternational.com/article/droits-des-femmes-largentine-legalise-lavortement-au-terme-dune-longue-bataille

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