Le tram dijonnais au bord de la saturation
Qui l'eût cru parmi les élus d'opposition du Grand Dijon qui défendaient en 2008 contre François Rebsamen l'idée d'un "busway", ou parmi les commerçants et les riverains de l'association "République, qu'est-ce qui se trame ?" qui levaient leurs boucliers contre le projet de tramway ?... le tram de Dijon, surtout la ligne 1, est aujourd'hui au bord de la saturation !Certes, le choix du tramway, transport en commun de grande capacité, rapide et en site propre, n'est pas exempt de toute critique.
Le marketing politique autour du tram "sympa", qui contribue à créer une image positive des décideurs, ne doit pas nous aveugler !
Sa construction, coûteuse, a bien compliqué la vie des citoyens de la métropole pendant deux ans, d'octobre 2010 à septembre 2012.
Certains habitants ont été "perdants" dans des zones de l'agglomération qui se retrouvent plutôt moins bien desservies qu'avant le tram, en termes de distance ou de temps de transport, et les tracés des lignes de bus n'ont pas toujours été bien adaptées au nouveau réseau.
Le tram aggrave la densification des centres villes et l'explosion des prix du foncier et de l'immobilier que nous dénonçons à Quetigny.
Il est un facteur de "gentrification", de "métropolisation", de compétition entre territoires... dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui. Il contribue à la mise en place de systèmes de surveillance de plus en plus sophistiqués qui mettent en péril la liberté des citoyens.Mais nous pouvons, à condition de rester vigilants et d'agir avec constance contre ces évolutions funestes, nous réjouir du choix de 2008.
André Gervais, adjoint (communiste) aux transports de François Rebsamen, a mené avec persévérance un énorme travail pour organiser le réseau de manière multimodale et pour en faire profiter travailleu·r·se·s, étudiant·e·s, personnes âgées ou en situation de handicap...
En matière de débit, de confort, de gain de temps et de lutte contre la pollution, le tram est sans rival.On peut rappeler que la ligne 1 devait être prolongée un jour vers le "parc d'activité de l'Est dijonnais" prévu à cheval sur les communes de Saint-Apollinaire et Quetigny, projet que nous avons toujours trouvé inutile et qui – heureusement – est resté depuis en quasi-friche.
En revanche, Chevigny ne s'était pas déclarée intéressée par le tram... et se retrouve dépourvue de station. Aujourd'hui, son maire ne manque pas une occasion de dénoncer le fait que ses administrés soient à une heure du centre de Dijon en transport en commun, et réclame (avant un hypothétique prolongement du tram n° 1) une ligne de bus directe !Qui emprunte régulièrement les rames "magenta" depuis Quetigny ne peut que le constater : le tram est de plus en plus souvent bondé (surtout entre l'Université et le centre ville), et la crise sanitaire ne l'a pas empêché de connaître une fréquentation en hausse (5 % par an depuis 5 ans selon Keolis mobilités).
Cela s'explique par la croissance démographique de la métropole, par les programmes immobiliers autour des lignes, par le caractère dissuasif de l'usage de l'automobile en milieu urbain (coût, lenteur, embouteillages, recherche de stationnement, pollution, etc.).
Il faut anticiper à court terme (3 à 5 ans) un véritable engorgement du réseau actuel, et les options qui s'offrent à nous, citoyen·ne·s, pour peser sur les décideurs économiques et politiques, sont fort diverses :
- allongement des rames existantes ? Ce n'est pas impossible, mais suppose des travaux d'infrastructure pour les quais, plus ou moins coûteux selon les stations, et ce pour un résultat esthétiquement discutable.
- adjonction de nouvelles rames sur les lignes existantes ? Possible dans un premier temps, mais attention aux coûts (2,5 millions par unité) et à la saturation du tronçon commun des lignes 1 et 2 entre République et Foch-gare !
- création d'un troisième quai ("terminus") à la station Université, pour en faire repartir une partie des rames vers le centre ville, où la cadence serait augmentée (les Quetignois seraient alors évidemment moins bien desservis, et nous ne voulons pas de cette régression).
- construction d'une nouvelle ligne dans des zones densément peuplées, par des populations variées (par ex. sur les tracés de l'actuelle liane 3 et de l'actuelle liane 5 de part et d'autre de la cité de la gastronomie) ? Très coûteux, mais capable de délester le réseau existant...
- extension et multiplication des tronçons de bus articulés en site propre, comme sur les tracés "Corol" : voies centrales avec priorité aux feux tricolores (avenue Champollion), voies latérales à large tireté blanc (boulevard Gabriel), en augmentant la flotte d'autobus...
- en parallèle, augmentation du nombre des bus à hydrogène, comme le prévoit aujourd'hui la métropole ; celle-ci souhaite d'ores et déjà, en construisant des stations d'électrolyse, économiser avant 2030 4 200 tonnes de CO2 par an.
- d'autres solutions ont été envisagées, comme la mise en place d'un système de gestion informatique des flux de voyageurs dans les stations de tram, mais il a été jugé trop coûteux et peu efficace, et a donc été abandonné.Il nous faudra suivre de près les propositions de Keolis, chargé en mars dernier par la métropole de réaliser avec la société privée d'ingénierie Ingerop une "étude capacité tramway" afin de proposer des solutions innovantes à ce problème de saturation imminente.
Une enveloppe de l'État d'1,23 million d'euros est d'ores et déjà annoncée sur les 7,8 millions prévus aujourd'hui pour le financement d'un "projet stratégique". Ces sommes, assez importantes pour un programme à court terme, nous paraissent trop modestes pour une politique ambitieuse de transport en commun.Pourquoi ne pas faire preuve, à nouveau, d'un peu de hardiesse ?
Nous avons proposé dans notre programme une avancée vers la gratuité des transports publics ; cela conduirait évidemment à une hausse du trafic des bus et trams, mais aussi à des gains de surface de voirie pour les transports en site propre, beaucoup plus fluides, moins énergivores, moins polluants que la voiture et ouverts à tous les milieux sociaux. À Dunkerque, où cela a été fait, on constate même une bien plus grande convivialité dans les déplacements au quotidien !
On peut aussi assouplir les horaires de travail dans les entreprises et modifier les emplois du temps des étudiants pour limiter les "pics" de fréquentation des trams et autobus : cette mesure, réalisable par le recours à l'informatique, a le mérite de ne presque rien coûter...
L'investissement à long terme dans des transports publics rapides, confortables, offrant à tous les habitants de l'agglomération du temps et des places assises pour lire, se cultiver, voire travailler, est rentable et porteur d'avenir. Cette politique, conciliable avec le recours choisi au télétravail, les horaires libres, l'utilisation du vélo ou de la trottinette électrique en ville sur de courtes distances... n'a rien d'utopique.Le premier tram électrique de Dijon, créé en 1893, avait été supprimé en 1961 ; le choix déraisonnable du "tout automobile" entraînait alors nos sociétés vers des comportements individualistes, polluants, aventureux, qui montrent à présent leurs limites et leurs périls.
Le nouveau tram fêtera l'an prochain ses dix ans, avec un très bon niveau de satisfaction de ses usagers, et le matériel roulant comme les stations, fort bien entretenus, restent en excellent état.
L'avenir de nos villes passe évidemment par une ré-humanisation de nos déplacements et de nos vies quotidiennes par des choix collectifs équitables et durables. Tout cela ne pourra réussir qu'avec une autre politique du territoire.
https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2013-2-page-1.htm
http://reinventonsquetigny.free.fr/12/contratdelegserpubkeolis.pdf