Georges, on t'aime !


Coquin de sort ! Brassens, ces jours-ci, aurait eu cent ans…

«… et toutes ses dents ! » pourraient ajouter les "goguenards" qui ont été à l’école de son proverbial irrespect. Télérama* l’affirme : il est apprécié par la jeune génération pour sa tendresse, sa gaillardise, son irrévérence… et même ses imperfections.

En tout cas, nous, Brassens, on l’aime ! Et on l’aime avec ses défauts, bien sûr, comme toujours quand on aime vraiment quelqu’un.

Brassens, c’est d’abord un poète. S’il avait vécu au Moyen Âge, comme il l’aurait souhaité, regrettant que ses "parents n’aient pas joué plus tôt / au jeu de la bête à deux dos", n’aurait-il pas fini, comme a failli mourir le premier des poètes populaires, son copain François Villon, sur le gibet de Montfaucon plutôt que "dans son lit comme un vrai con" ?

Poète de l’amitié : y a-t-il plus bel hymne à l’amitié sincère, authentique, sans chichis, celle qui soutient et qui partage, celle qui aide à avancer dans les "coups de Trafalgar"… que Les copains d’abord ?

Poète des simples scènes de la vie, des amoureux des bancs publics à la bergère qui "donnait la gougoutte à son chat", de la "claire fontaine" où "l’ingénue… se baignait toute nue", de la générosité de l’Auvergnat à l’hospitalité de la Jeanne (sa « coloc », comme on dirait aujourd’hui) qui n’avait pas d’enfant (à quoi bon, n’est-ce pas, quand on est "mère universelle" ?).

Poète de l’amour, de ses amours d’antan à ses amours déçues dont il finit par "se foutre" (le 22 septembre), de ses amours "vaches" cachées par une "jolie fleur", de ses amours proxénètes de mauvais sujet repenti à celles qu’il porte aux femmes adultères car… "il est derrière", à ses amours qu’il veut sincères au point de prier sa mie de ne "pas graver [leurs] noms au bas d’un parchemin" ! Amoureux qui, par provoc, joue les phallocrates (Misogynie à part), mais se révèle sans pitié contre le machisme (Quatre-vingt-quinze pour cent).

Poète dont la muse a souvent été la mort : dans la si belle Supplique pour être enterré à la plage de Sète afin "qu’éternel estivant, il passe sa mort en vacances" comme dans les vrais-faux enterrements des Quat’zarts "qui viennent de commencer". Il était nostalgique de ces funérailles d’antan où "les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul" ; Brassens, qui rendit son dernier souffle à 60 ans, n’est hélas pas "parti pour l’autre monde par le chemin des écoliers" comme il l’avait souhaité…

Brassens, c'est aussi un musicien. Un compositeur de mélodies simples en apparence, subtiles si l’on en croit instrumentistes et musicologues, influencées par la chanson populaire et par le jazz, mises – bien sûr – au service de ses textes, mais qui les valorisent, en soulignent les nuances et les enrichissent ; de musiques populaires, au bon sens du terme. Rappelons que, sur le plan musical comme sur le plan culturel, Brassens fut un parfait autodidacte ; peu concerné par l’école mais grand lecteur, il apprit, dit-on, la guitare avant de savoir lire la musique...

Enfin, Brassens – ce n’est pas pour nous déplaire –, c’est un rebelle. Mais un rebelle bonhomme, un rebelle bourru, un rebelle modeste, un rebelle sensible. Libertaire et tolérant, indigné par l’injustice et généreux, n’ayant jamais peur des mots, ne craignant pas de s’en prendre à l’autorité, avec comme armes fatales l’insolence et l’humour (comme dans Le Gorille ou dans Hécatombe). On le regrette tant dans les temps de « politiquement correct » que nous vivons ! On l’aime, vous dit-on !

On l’aime, et on ne se lassera jamais de le revoir, dans un noir et blanc un peu flou et tremblotant, sur nos écrans high tech, grâce aux archives de l’INA, ni surtout de l’écouter partout et toujours, sur tous les supports, avec l’attention qu’on lui doit pour ne rien perdre de la richesse de sa langue et de ses étonnantes harmonies.

* numéro 3746 du 30 octobre au 5 novembre 2021, p. 28-31


https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/brassens-ou-l-irreverence

https://www.franceinter.fr/emissions/concert-inter/concert-hommage-a-georges-brassens-du-dimanche-31-octobre-2021

https://www.causette.fr/culture/musique/centenaire-de-brassens-decryptage-feministe-de-ses-chansons-1-2


 

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