Sécurité et délinquance :
quelles réponses ?

Au dernier Conseil Municipal, le groupe ETIQ a proposé un vœu pour plus de moyens de lutte contre la délinquance et les incivilités à Quetigny. Si nous partageons l'intention des membres du groupe ETIQ, nous ne les suivons pas sur leur approche trop étroite de la sécurité et la violence des jeunes et la hiérarchie des moyens à mettre en œuvre pour y remédier... Voici notre intervention en réponse à ce vœu :

Nous pouvons, comme vous, dire merci à toutes celles et ceux qui nous protègent, gendarmes, policiers, pompiers, mais aussi les soignants et celles et ceux qui plus largement assurent notre sécurité physique, alimentaire et notre bien-être moral.

Comme vous, nous condamnons les violences dont ils·elles sont victimes, comme nous condamnons toutes formes de violences, y compris malheureusement lorsqu’elles émanent, sans raison ou de manière disproportionnée, des personnes dépositaires de l’autorité publique.

Comme vous, nous les soutenons dans l’exercice, souvent difficile, de leurs missions de service public, comme nous soutenons celles et ceux dont l’activité contribue à rendre notre société et notre ville plus juste, moins agressive, plus solidaire.

La violence est, en effet, quelque chose de grave ; et, sauf lorsqu’elle est justifiée, elle est inacceptable.

Vous évoquez la violence des jeunes et particulièrement celle des 13-16 ans, en prenant la précaution de ne pas généraliser. Les Quetignois sont sans doute inquiets de cette violence, certains ont peur. Certains veulent peut-être quitter notre ville, mais convenez qu’il ne s’agit pas d’un exode massif et que la grande majorité d’entre eux ont plus peur du chômage et de la précarité que de la violence d’une toute petite minorité de jeunes.

Il faut prendre, sans l’exagérer, la mesure de ces violences et de ces incivilités qui n’ont pas toutes le même degré de gravité. Il faut la prendre très au sérieux, pas seulement pour la réprimer, mais d’abord pour en cerner les causes et la prévenir.

Les jeunes sont-ils plus violents ? Disposons-nous de chiffres pour valider un discours si souvent répété ? Nous avons en effet besoin d’un état des lieux pour couper court à toutes les surenchères.

Et d’où vient cette violence ? Du hasard des parcours individuels ? Des prédispositions précoces qu’un certain ex-Président de la République cherchait à mettre en statistiques dès le plus jeune âge ? Vous éludez totalement cette question essentielle !

Nous pensons qu’elle est le produit de multiples facteurs :
- des conditions de leur propre existence et donc celles de leurs parents, qui souvent engendrent peur, insécurité et désarroi
- d’une insécurité sociale qui pèse en permanence sur leur vie
- de déficits d’éducation
- de sentiments d’injustice dans une société profondément inégalitaire
- d’un modèle de société dominée par le profit, ou encore par l'argent roi incarné par exemple par les revenus exorbitants de certains sportifs, ou de vedettes du net
- d’exclusions précoces quasiment irrattrapables,
...sans parler du manque d’exemplarité de bien des hauts responsables de notre société, et tout cela dans un monde sans avenir pour une fraction importante de la jeunesse.

L’insécurité dans laquelle vivent ces jeunes et leurs familles avant de devenir violents ou acteurs d’incivilités commence avec le chômage et la précarité qui ne cessent de se développer, avec l’abandon des cités, la disparition de services publics.

Ces formes de violences que subissent ou dans lesquelles baignent ces jeunes ont inévitablement un impact sur eux, provo­­quant des pertes de repères chez les plus fragiles ou un rejet de cette société dans laquelle ils ne trouvent pas de place.

Dire cela n’est pas excuser la violence et les responsabilités qui l’accompagnent, c’est comprendre pour agir efficacement.

Comme vous, nous pensons que le temps est à l’action. Mais laquelle ?

L’État a, bien sûr, une responsabilité première pour endiguer ces formes de violences.

Nous ne sommes pas par principe contre l’augmentation du nombre de policiers. Les situations explosives ou dangereuses peuvent la justifier. Mais nous pensons que la surenchère répressive, qui gonfle encore en période électorale, n’est pas la bonne réponse parce qu’elle engendre encore plus de violence avec encore plus de morts chez les policiers et chez les gamins égarés dans la délinquance.

Pour juguler durablement la violence, il faut en éradiquer les causes profondes. La priorité aujourd’hui n’est sûrement pas l’urgence policière mais l’urgence sociale, pour permettre à chaque jeune et à sa famille de vivre dignement :
- d’abord au moyen d’une activité digne de ce nom
- sinon en bénéficiant d’une solidarité suffisante de la part de la collectivité.

Ce n’est pas en baissant les indemnités chômage de 30 % pour plus d’1 million de sans-emploi qu’on y arrivera. Et avec un déficit de 4 à 5 millions d’emplois dans notre pays, la précarité et les bas revenus continueront d’engendrer violences et incivilités de jeunes exclus de toute perspective d’insertion. Seul un changement de logiciel bâti sur un partage du travail et des richesses peut nous sortir durablement de ce fléau.

Pour gérer la violence, et construire des quartiers plus apaisés, il faut sans doute revoir certaines missions de police et de gendarmerie et revenir peut-être à une police de proximité avec une formation adéquate pour cette mission.

Quarante ans d’interdiction et de répression n’ont pas empêché la France d’être le premier pays européen consommateur de cannabis. Nous pensons que la légalisation serait le meilleur moyen de casser le marché souterrain qui fait de plus en plus de dégâts physiques et moraux chez les jeunes, dégagerait du temps et des moyens pour d’autres missions policières et réduirait d’autant le taux de délinquance.

Côté Justice, il y a sans doute beaucoup à faire, non pas pour taper plus fort sur la jeunesse délinquante – la justice est tout sauf laxiste – mais pour rendre la sanction éducative, en premier lieu, et – nous vous rejoignons sur ce point – en jugeant plus rapidement pour que le but de la sanction soit avant tout d’éduquer.

Mais l’État ne peut pas tout, et de plus, s’il ne joue pas son rôle, la Ville doit dans la mesure de ses moyens tenter d’y remédier, par exemple en examinant sérieusement la possibilité d’un complément municipal de revenu, promis par la majorité municipale et que nous attendons toujours.

Nous ne disons pas comme vous que rien de concret n’est fait à Quetigny, ce serait faire un mauvais procès à celles et ceux qui agissent et s’engagent aux côtés de la jeunesse dans notre commune. Si nous partageons plusieurs de vos propositions telles que la remobilisation des jeunes, l’action des services sociaux auprès des familles, la lutte contre le décrochage scolaire, la création de lieux de rencontre animés par des éducateurs, nous pensons que la multiplication des caméras de surveillance par la municipalité en place et dont vous voulez encore doubler le nombre est un moyen illusoire et coûteux, qui de plus menace gravement les libertés de chacun.

Surtout, les jeunes n’ont pas besoin que d’être soit aidés, soit punis. Il faut aussi leur reconnaître le droit et leur donner la possibilité de construire leur autonomie dans des lieux et avec des moyens qui leur sont dédiés. Il faut encore leur donner une place dans la cité, que leur parole soit prise en compte, qu’ils existent autrement qu'en faisant des "coups". La sanction n’est pas tout, et en tout cas, ne vaut pas réparation ! Il est trop facile, pour la Commune, de se décharger de ses responsabilités sur la Justice (tout en déplorant sa prétendue inefficacité)... C’est le Maire qui, au premier chef, exerce la responsabilité publique, et il peut à ce titre "saisir" la Gendarmerie, la Justice, le Préfet. Mais le publier tambour battant comme une solution ultime dans un éditorial aussi indigné qu’incantatoire et vain sur les "agissements intolérables" des jeunes, en pleine campagne électorale, dans la revue municipale, c’est ou bien un aveu d’échec ou bien un exercice de surenchère électorale sur la sécurité. Monsieur le Maire, écrire comme vous le faites dans cet éditorial que les jeunes qui s’égarent dans la délinquance ou les incivilités, et qui sont aussi nos enfants ou petits-enfants, « ce n’est pas Quetigny » ne va sûrement pas inciter cette partie de la jeunesse désorientée ou rebelle à s’insérer dans notre ville.

La collectivité doit utiliser tous les moyens à sa disposition, avec bien davantage d’éducateurs, avec l’installation d’espaces de rencontres et d’activités à proximité des enfants et des jeunes défavorisés, pour les aider à élaborer leurs projets, les écouter et les accompagner (y compris lorsqu’ils "dérapent"), plutôt que de sévir avec les forces de l’ordre à la moindre pétarade, de grillager les passages entre les immeubles ou de détruire un muret où les ados ont l’habitude de s’asseoir, dans l’espoir – bien illusoire – de les évincer du paysage ! Au lieu d’inventer périodiquement des « conseils municipaux de jeunes » épisodiquement réunis et aussitôt oubliés, Quetigny doit aller au-devant des nouvelles générations et tenir compte de leurs attentes dans le projet de ville.

Au total, si nous partageons, collègues et membres d’ETIQ, certains de vos constats et plusieurs de vos propositions sur la ville, nous ne pouvons vous suivre ni sur l’approche trop étroite qui est la vôtre sur la sécurité et la violence des jeunes, ni sur la hiérarchie des mesures à prendre pour que ceux-ci puissent réellement sortir de cette violence et, mieux encore, ne pas y entrer.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre projet de vœu.

(texte lu au nom de Réinventons Quetigny par Raymond Maguet au Conseil municipal du 29 juin)

Vous pouvez lire ici le texte de la motion du groupe ETIQ à laquelle nous répondons sur cette page.

 

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